mercredi 25 novembre 2015

Daesh : halte au double jeu sordide



Cela fait 2 ans que je répète à qui veut bien l'entendre : je souhaite que François Hollande et Laurent Fabius soient traduits devant la Cour Pénale Internationale (CPI) afin qu'ils y répondent des accusations de crime d'agression à l'encontre de la Syrie.
  - Les livraisons d'armes à "l'opposition syrienne" décidées par François Hollande (source) sont illégales au regard du droit international.
  - Le ministre des affaires étrangères en exercice, Laurent Fabius, déclarait en décembre 2012 en que l'organisation terroriste Al-Nosra "fait du boulot sur le terrain" en Syrie (source).

Par ailleurs, nos "alliés" américains ont envoyé un grand nombre d'instructeurs militaires afin de former "l'opposition syrienne" (source), ce qui constitue également un crime au regard du droit international. Le bilan de cette politique est tout à fait accablant : 500 millions de dollars pour former "4 ou 5 combatants anti-Isis" (source). La plupart des soldat entrainés ont soit-disant "trahi les Etats-Unis" en rejoignant des groupes terroristes (source).

Mais bon sang, qui peut encore être assez dupe pour ne pas voir le double jeu sordide mené par nos dirigeants ?

La guerre en Syrie n'a strictement rien à voir avec la volonté ou le sort du peuple syrien. Elle a tout à voir avec le contrôle des ressources de gaz naturel de la Syrie et avec la construction du pipeline Nabucco, soutenu en particulier par les Etats-Unis et la Turquie (voir ici et ici). Bashar El-Assad est hostile à la construction de ce pipeline, c'est la raison pour laquelle il doit être dégommé quels qu'en soient les moyens. Pour les hommes politiques qui prétendent nous représenter et qui prétendent agir dans notre intérêt, les groupes terroristes qui mettent la Syrie à feu et à sang (et qui commettent des attentats terroristes en France) sont un outil bien plus qu'un véritable ennemi. Cet outil est utilisé afin d'obtenir le renversement de Bashar El-Assad.
Il est à noter que contrairement aux Etats-Unis et à ses vassaux membres de l'OTAN (dont la France), la Russie agit à la demande des autorités syriennes légitimes reconnues à l'ONU. Contrairement aux notres, les actions que mène la Russie en Syrie sont donc conformes aux règles du droit international. Les actions que la France mène en Syrie sont illégales. La fuite en avant de François Hollande fait de la France un "état voyou".


Je suis effaré de voir tous les matins dans le métro mes concitoyens parisiens lire des monceaux de conneries comme "Daesh, un ennemi surpuissant".
Le groupe terroriste Daesh est enclavé. Si nos dirigeants souhaitaient réellement éliminer cette menace, ils chercheraient à couper ses lignes de ravitaillement. En particulier, ils se mettraient en conformité avec le droit international en cessant immédiatement tout soutient militaire et logistique à ces groupes terroristes, et ils adopteraient une résolution à l'ONU visant de déployer des casques bleus le long de la frontière sud de la Turquie. Au lieu de cela, la Turquie membre de l'OTAN et soutient actif de Daesh, vient d'abattre aujourd'hui un avion de chasse de l'armée russe avant de demander une réunion extraordinaire de l'OTAN. Le jeu des alliances automatiques pourrait nous conduire à la 3ème guerre mondiale.

Il est grand temps que davantage de voix se fassent entendre en France pour condamner sans ambiguité la politique menée par François Hollande, pour exiger la traduction en justice des responsables politiques qui ont soutenu ces groupes en rendant possible leur existence, et pour exiger que nos représentants adoptent désormais une politique conforme aux règles du droit international.

vendredi 6 février 2015

Dis Charlie, c'est quoi la différence entre un bon djihadiste et un mauvais djihadiste ?



Je voudrais revenir sur le coté ambigu de la formule "Je suis Charlie".

Je me suis amusé à poser la question autour de moi : "Qu'est ce que la formule << Je suis Charlie >> signifie pour toi ?"


A l'exception notable d'un ancien collègue, qui m'a fait cette réponse cinglante par email :
"Je suis Charlie", ça veut dire "je suis un con lobotomisé par le système jusqu'à la moëlle" (à mon humble avis).
(Je développe plus tard)


En général, les personnes à qui j'ai posé la question m'ont plutôt fait l'une ou l'autre (ou parfois les deux) réponse(s) suivante(s) :
1) "Je suis Charlie" pour défendre la liberté d'expression
2) "Je suis Charlie" parce que je ne suis pas d'accord pour qu'on tue des gens à cause de leurs idées

Je trouve que ces deux réponses ne sont pas plus convaincantes l'une que l'autre.


1) Même si c'est quelque chose qu'on a entendu en boucle sur les télés et les radios, il est faux de dire :
Je suis pour la liberté d'expression <=> "Je suis Charlie" et je fais de la pub pour Charlie Hebdo.

Cette équivalence est même doublement fausse (les deux implications sont fausses) :
  • Il existe des fans de Charlie Hebdo qui sont contre la liberté d'expression.
  • Il existe des gens qui sont pour la liberté d'expression et qui sont très critiques vis à vis de la ligne éditoriale de Charlie Hebdo (c'est mon cas, je l'ai clairement expliqué dans cet article).

2) Moi aussi je suis évidemment contre le fait qu'on assassine des gens. Mais ce n'est pas du tout ce que dit la formule ambigüe "Je suis Charlie".


J'insiste sur le coté ambigu de cette formule : chacun peut y plaquer la signification qu'il veut. Pour moi, "Je suis Charlie" signifie : "Je ne fais qu'un avec Charlie". En d'autres termes : "Je partage totalement et sans réserve la ligne éditoriale de Charlie Hebdo". J'essaie de me raisonner, en me disant que les millions de personnes qui ont repris ce slogan à leur compte ne l'entendent pas nécessairement comme ça, ou même parfois ignorent ce que cela pourrait signifier. Si tous ceux qui ont dit "Je suis Charlie" étaient réellement Charlie et pensaient réellement Charlie, je trouve que la situation serait terrifiante. A nouveau, pour ceux qui ne l'ont pas lu,  je vous renvoie vers mon article précédent.



Qu’est ce que la formule "Je suis Charlie" signifie comme position vis à vis d’une politique extraordinairement hypocrite qui consiste d’une part à décréter un deuil national lorsque des journalistes sont assassinés en France, tout en continuant par ailleurs à entrainer et à armer des groupes fondamentalistes religieux dans le but de renverser un régime qui refuse de traiter avec nos multinationales chéries (dont certaines d'entre-elles, comme par exemple Total, ne paient d'ailleurs aucun impôt sur les sociétés en France) ?
Pourquoi est ce que Charlie Hebdo (qui est un hebdomadaire qui a défendu toutes les guerres de l'OTAN depuis 20 ans : cf article), ou plein d’autres journaux (comme l’Express par exemple, qui a publié un dossier de 20 pages sur le "djihadisme international" dans son numéro du 21 janvier dernier), ne jugent pas utile de nous communiquer clairement ce genre d’informations : http://www.upr.fr/actualite/monde/terrorisme-labominable-double-jeu-des-etats-unis ?

A l'heure ou François Hollande fait un bond fulgurant de 21 points dans les sondages d'opinions favorables (article LeFigaro), il me parait intéressant de revenir un peu plus en détail sur ce fameux numéro spécial du journal l'Express du 21 janvier, titré "L'internationale DJIHADISTE". Sur la couverture on peut également lire : "Le double jeu des amis de l'Occident", "Les failles du renseignement", et "L'hypocrisie des politiques français". Avec une couverture pareille, ceux qui :
  • connaissent les propos de Laurent Fabius (Ministre des Affaires Etrangères en exercice) qui déclarait en décembre 2012 que l'organisation terroriste Al-Nosra "fait du bon boulot sur le terrain" en Syrie
  • savent que François Hollande a reconnu que la France a livré illégalement des armes à la très floue "opposition Syrienne", en violation des règles du droit international
  • sont au courant que le 15 janvier dernier (donc 8 jours APRES l'attentat contre Charlie Hebdo, 4 jours APRES la grande marche du 11 janvier, et 6 jours AVANT la publication de ce numéro de l'Express), le Pentagone a annoncé l'envoi de 400 nouveaux militaires pour "former les rebelles syriens", en partenariat avec nos grands potes de Turquie, du Qatar et d'Arabie Saoudite

... se disent : bah dis donc, il va être drôlement intéressant ce numéro de l'Express, ça va envoyer du bois !!!



Je vous laisse en juger par vous-même...



J'ai eu un premier haut-le-coeur lorsque j'ai constaté que le journal commence (après 7 pages de pub, quand même...) par un édito insipide et totalement dénué d'intérêt de Christophe Barbier, qui nous explique sans rire que "François Hollande a été élu président de la République le 11 janvier 2015 par 5 millions de piétons" (!!!)

Mais je me suis ressaisi, et j'ai lu assidûment le dossier sur le "Djihadisme international", qui court sur 24 pages (dont 4 de pub).
On y apprend par exemple que "La Turquie, le Qatar ou l'Arabie Saoudite ont cultivé ou cultivent encore un rapport ambigu avec l'islam radical". On y apprend que "Depuis le début de la guerre civile en Syrie, Ankara, qui veut faire tomber Bachar el-Assad, est accusé de fermer les yeux face au passage sur son territoire, en sus des armes et de toutes sortes de contrebande, des centaines de jeunes djihadites européens". La Turquie, qui veut faire tomber Bachar el-Assad (n'est-ce pas également le cas de la France ?), est soupçonnée "d'avoir livré des armes à certains groupes rebelles islamistes syriens - ce que le gouvernement nie". 
Donc si je comprends bien le point de vue développé dans l'Express : la Turquie est soupçonnée d'avoir livré des armes à des groupes rebelles islamistes syriens, mais pas la France. Les lecteurs de l'Express qui ignoraient les déclarations de Laurent Fabius (chantant les louanges du Front Al-Nosra) et de François Hollande (reconnaissant avoir fait livrer des armes à "l'opposition syrienne") resteront ignorants.
En lisant ce dossier de l'Express, on apprend que nos alliés du Moyen-Orient ont certes un peu joué au con en étant très tolérants vis à vis du financement de groupes fondamentalistes en Syrie, mais que ça c'était avant. Maintenant ils ont compris que c'était mal. C'est du moins ce que je comprends par : "Avec retard, la monarchie semble avoir compris qu'elle nourrissait de futurs ennemis, qui accusent la famille Al-Saoud vieillissante d'être vendue aux Etats-Unis : inquiète du départ de ses jeunes, elle a ainsi criminalisé ses organisations djihadistes, comme Daech ou le Front Al-Nosra, le bras armé d'Al-Qaeda en Syrie, au printemps dernier (les Emirats arabes unis ont fait de même)".

La mise en page, qui met bien en évidence de la citation de Maurice Leroy (président du groupe d'amitié France-Qatar, disant : "La CIA et nos services secrets auraient déjà sorti des choses, s'il y en avait"), en grosses lettres rouges, nous signale que la messe est dite : circulez, il n'y a rien à voir. Il ne sera fait aucune réelle analyse de la politique Française dans ce dossier de l'Express. La question centrale de la participation (illégale au regard du droit international) des Etats-Unis ou de la France dans l'armement et l'entrainement de milices armées qui mettent la Syrie à feu et à sang depuis plus de 2 ans ne sera pas abordée. Exit toute réflexion au sujet de cette politique illégale et criminelle, et de ses conséquences désastreuses à la fois sur le plan national et sur le plan international.
On aurait raisonnablement pu attendre, de la part d'un journal sérieux qui réaliserait un dossier de 20 pages traitant de la question du "Djihadisme international" (en particulier lorsqu'il prétend dénoncer "l'hypocrisie des politiques français" sur sa couverture), qu'il abordre sérieusement la question de la possible future traduction en justice devant la Cour Pénale Internationale (CPI) de messieurs Laurent Fabius et François Hollande (entre autres), afin qu'ils y répondent des accusations de crime d'agression à l'égard de la Syrie. Mais on est à des années lumières de ça avec l'Express.

Le dernier article du dossier de l'Express met en valeur le "Philosophe" Abdennour Bidar, qui "refuse tous les amalgames". Mais qui pourtant nous dit (et là encore c'est bien mis en évidence en grosses lettres rouges) : "Nos concitoyens musulmans doivent passer du réflexe de l'autodéfense à la responsabilité de l'autocritique". Ah bon, seulement nos concitoyens musulmans ?


Vous pouvez trouver l'intégralité du dossier de l'Express ici.
A comparer avec l'article de l'UPR.


Comment peut-on ne pas voir, avec cette histoire de Charlie / djihadisme international, une illustration flagrante du phénomène qu'analysait Noam Chomsky dans le documentaire Manufacturing Consent, et que je mettais en évidence dans ce billet ?
C'est frappant de constater à quel point les analyses et les conclusions de ces travaux, anciens de 25 à 30 ans, semblent s'appliquer tout à fait à la situation qui est la notre aujourd'hui :

La raison pour laquelle ces atrocités continuent, c'est parce que personne n'est au courant. Si les gens étaient au courant, il y aurait des manifestations et des pressions pour y mettre un terme. Par conséquent, en supprimant les faits, les médias jouent un rôle majeur.
[...]
Ce sont des choses à garder en tête. Ce ne sont pas des jeux d'esprit : on n'est pas entrain d'analyser les médias sur la planète Mars, ou au XVIIIème siècle, ou un truc dans le genre. On est entrain de parler de vrais être humains qui souffrent, meurent, sont torturés et crèvent de faim à cause de politiques auxquelles nous sommes mêlés. Nous, en tant que citoyens de sociétés démocratiques, sommes directement responsables des politiques qui sont menées en notre nom. Les médias quant à eux s'assurent que nous n'assumions pas ces responsabilités. Ils font en sorte de servir les intérêts du pouvoir. Pas les intérêts des gens qui souffrent, et même pas non plus les intérêts des citoyens américains (ndlr ou français), qui seraient horrifiés d'apprendre qu'ils ont du sang sur les mains à cause de la manière dont ils se laissent duper et manipuler par ce système.



"Je suis Charlie" ?   Sérieusement ?

Si demain, Jean-Marie et/ou Marine Lepen, Laurent Fabius, Nicolas Sarkozy, François Hollande, Dieudonné M’bala, ou des journalistes de l’Express étaient assassinés par des meurtriers, diriez-vous tour à tour : "Je suis Lepen", "Je suis Fabius", "Je suis Sarkozy", "Je suis Hollande", "Je suis Dieudonné" ou "Je suis l’Express" ?
Moi non. Je ne suis aucun de ceux là. Je suis Français, et j’en ai assez que les élus qui prétendent me représenter et que les médias qui prétendent m’informer me prennent pour un con, en essayant de faire de moi un complice de cette politique.

Je suis sûr que nous sommes potentiellement des millions dans ce cas.

lundi 12 janvier 2015

Ni Charlie, ni terroriste : contre l'idéologie du "choc des civilisations"

L'assassinat des journalistes de Charlie Hebdo est un acte odieux. J'espérais que les criminels qui ont commis ces actes seraient capturés vivants afin qu'ils puissent être jugés et condamnés. Cela n'a malheureusement pas été le cas, mais je salue l'efficacité des forces de l'ordre qui ont été contraintes de les abattre étant donné les circonstances.

Comme tout le monde, j'ai été choqué et révolté par le meurtre des journalistes de Charlie Hebdo. Néanmoins, je ne suis pas d'accord pour faire de ce journal le porte-drapeau de l'unité nationale, ou le soit-disant "grand défenseur de la liberté d'expression".


J'ai toujours défendu la liberté d'expression de Charlie Hebdo. En témoigne l'article que j'ai écrit en 2007 sur Agoravox, et que j'ai repris sur ce blog : "Caricatures de Mahomet" et liberté d'expression : quand l'esprit critique met les voiles. J'y exprimais mon opinion selon laquelle des associations musulmanes avaient eu tort de faire un procès à Charlie Hebdo en invoquant le prétexte d'"incitation à la haine raciale". Mais dans ce même article, j'y contestais également à Charlie Hebdo le statut de "défenseur de la liberté d'expression" qu'il n'a jamais été.
J'y rappelais certaines évidences, comme par exemple le fait que si vous êtes favorables à la liberté d'expression, c'est précisément parce que vous êtes favorables à la liberté d'expression des idées avec lesquelles vous êtes en désaccord, sinon vous n'êtes pas réellement favorables à la liberté d'expression. J'y rappelais également la différence fondamentale entre le fait de défendre une idée, et le fait de défendre la liberté d'expression de cette même idée.
Si ces notions ne sont pas parfaitement claires et évidentes pour vous (elles ne l'étaient pas pour moi avant que je me décide à y réflechir sérieusement), je vous invite à relire l'article que j'avais écrit en 2007, et en particulier à visionner la vidéo de Noam Chomsky (extraite du documentaire "Manufacturing Consent" de 1992) qui lui est associée. La compréhension de ces notions me parait être indispensable pour quiconque veut avoir un avis sur ce qu'est et sur ce qu'implique la défense de la liberté d'expression.


J'ai toujours été pour la liberté d'expression de Charlie Hebdo, même si je trouve que certaines de leurs idées sont profondément dangereuses et néfastes. Je considère comme très important le fait qu'ils puissent continuer à les exprimer (je suis favorable à la liberté d'expression), mais je considère également qu'il est très important qu'une majorité de mes concitoyens réalisent en quoi certaines de ces idées sont dangereuses et néfastes.

Depuis une douzaine d'années, Charlie Hebdo (et bien d'autres journaux) sont sur une ligne éditoriale qui tente plus ou moins subtilement de promouvoir l'idée de "l'inévitable choc des civilisations". Une idéologie qui permet de donner un semblant de légitimité à la politique intérieure et internationale criminelle menée par les escrocs qui nous gouvernent. Ce qui est navrant, c'est que les meurtres de la semaine dernière vont probablement contribuer à renforcer cette idéologie du "choc des civilisations", une idéologie que la ligne éditoriale de Charlie Hebdo (et de bien d'autres journaux) a elle-même contribué à importer et à imposer en France au fil des dernières années.

Olivier Cyran est un ancien journaliste de Charlie Hebdo. Il y a travaillé pendant près de 10 ans avant de quitter le journal en 2001. Il a écrit un article en décembre 2013 dans lequel il analyse la dérive éditoriale de son ancien journal au cours des 10-12 dernières années. C'est l'article le plus intéressant que j'ai lu au sujet de Charlie Hebdo, tous supports confondus. C'est un article qu'il aurait été bon que chacun lise avant de déclarer "je suis Charlie". Mais il n'est jamais trop tard :
http://www.article11.info/?Charlie-Hebdo-pas-raciste-Si-vous


Je comprends très bien que des gens aient eu besoin de se retrouver pour partager leur peine, partager leurs craintes, et partager leur refus de l'intimidation face à la menace terroriste.
Mais personnellement, j'ai refusé d'aller à la manifestation d'hier sous le mot d'ordre "je suis Charlie". Non, je ne suis ni Charlie, ni terroriste. J'y serais volontiers allé si le mot d'ordre avait été quelque chose comme : "pour le refus de l'idéologie du choc des civilisations".


Si demain des meurtriers débarquaient à un repas de famille chez les LePen et assassinaient le père, la fille et la petite fille, quelle serait votre réaction ?  La mienne serait certainement exactement la même que celle que j'ai eue lorsque j'ai appris le meurtre des journalistes de Charlie Hebdo : je condamnerais cet acte horrible, et j'espèrerais que les criminels soient arrêtés et jugés. Mais je refuserais de participer à un défilé sous la bannière "Je suis LePen". Et je m'opposerais à l'idée de faire des LePen l'icone de la démocratie et de l'intégrité en politique.


Aujourd'hui, la machine à broyer les esprits se met en route pour culpabiliser et réduire au silence ceux qui ont osé critiquer la ligne éditoriale nauséabonde de Charlie Hebdo, en les présentant comme les complices des assassins (cf articles : LeMonde, Marianne, ...).
Regardez attentivement cette conversation entre les journalistes Elise Lucet et Nathalie Saint-Cricq (responsable du service politique de France2), qui semble tout droit issue de ce que serait un JT dans une société totalitaire à la Orwell. Admirez leur piètre jeu d'actrices qui font comme si leur dialogue était spontané, alors que chacune récite son texte et sait exactement ce que l'autre va lui répondre :

Elise Lucet : On parle beaucoup depuis quelques jours, Nathalie, d'unité nationale. Mais attention, toute la France n'était pas dans la rue hier.

Nathalie St Cricq : Non Elise, il ne faut pas faire preuve d'angélisme. C'est justement ceux qui ne sont pas Charlie qu'il faut repérer. Ceux qui, dans certains établissement scolaires, ont refusé la minute de silence. Ceux qui balancent sur les réseaux sociaux. Et ceux qui ne voient pas en quoi ce combat est le leur. Ce sont eux que nous devons repérer, traiter, intégrer ou réintégrer dans la communauté nationale. Et là, l'école et les politiques ont une lourde responsabilité.

Dois-je leur faire une réponse à la Charlie Hebdo ?  Une jolie caricature de moi leur enfonçant la charte de Munich dans le fion à grands coups de pelle, avec une bulle qui dirait : "Allez ça va rentrer, tu vas bien finir par l'intégrer cette charte de déontologie du journalisme".  Du bon gros humour de bon goût à la Charlie ça ma p'tite dame !  Ca devrait leur plaire, non ?  J'ai mal compris la leçon ?

Tout ce cirque médiatique est confondant de médiocrité. L'attentat tragique de la semaine dernière aurait pu nous faire réfléchir et avancer ensemble. Malheureusement il semblerait que ce soit l'inverse qui soit entrain de se produire : des raisonnements simplistes, binaires, à la Georges W Bush ("soit vous êtes avec nous, soit vous êtes avec les terroristes").
Aujourd'hui, c'est : soit "vous êtes Charlie" (inconditionnellement), soit vous êtes des "islamo-gauchistes" complices des terroristes et vous devrez donc être "repérés" et "traités".


Ce matin j'ai discuté avec Jamila, la femme de ménage que j'emploie à domicile quelques heures par semaine. Jamila est algérienne. Elle est honnête, elle travaille et cotise en France depuis 20 ans. Ses enfants sont français. Je n'ai aucun doute sur le fait que l'éducation et les valeurs qu'elle leur enseigne sont parfaitement compatibles avec celles de la République. Elle ne fait pas de vagues, elle veut juste vivre en paix.
Pourtant, elle m'a confié s'être faite agresser verbalement et menacer physiquement dans le métro parisien vendredi soir à cause du foulard qu'elle porte sur la tête. Des crétins ont vu en elle "la pauvre conne de musulmane voilée", la "menace contre la République", telle qu'elle est systématiquement et invariablement dépeinte dans Charlie Hebdo à longueur d'années. Ils lui ont reproché (à elle !) d'être responsable de l'assassinat des journalistes de Charlie Hebdo, d'être une terroriste qui met en danger la France, et ils ont également menacé de lui casser la gueule. Quelle folie !


Je concluerai avec un petit mot pour mes amis, qui sont nombreux à être allés manifester dimanche en déclarant "je suis Charlie". Vous êtes pour l'instant à l'abri des foudres de Nathalie Saint Cricq et du "traitement" qu'elle réserve aux déviants qui "ne sont pas Charlie". Si vous n'avez pas encore lu l'article d'Olivier Cyran de 2013, je vous en prie faites-le, j'insiste !
Certains d'entre vous, peut-être, pensent qu'il était important d'aller à la manif de dimanche pour dire "non" à la barbarie. A ceux là et aux autres, je vous donne rendez-vous : la prochaine fois que notre gouvernement décidera, en notre nom, de déclencher ou de participer à une guerre illégale au regard du droit international, usant des faux prétextes de promotion de la "démocratie" et "d'inévitable choc des civilisations", irons-nous manifester ensemble pour tenter d'empêcher celle nouvelle folie ?
Irons-nous manifester ensemble, lorsque ceux qui prétendent agir en notre nom et dans notre intérêt, installeront des fondamentalistes religieux au pouvoir en Libye (ou ailleurs), soutiendront des fondamentalistes religieux en Syrie (ou ailleurs), et des néo-nazis en Ukraine (ou ailleurs) ?
François Hollande et toute la smala qui l'entourait dimanche en tête du cortège n'y seront probablement pas. Mais nous, y serons-nous ?