mardi 30 octobre 2007

"Debout pour le journalisme" : Une loi pour garantir l'indépendance des rédactions





Lundi 5 novembre, c'est la journée "Debout pour le journalisme"  (STAND UP FOR JOURNALISM!) :  journée de protestation au sein des médias européens.



Voir : http://www.ifj-europe.org/default.asp?Index=5031&Language=FR


Des dizaines de milliers de journalistes préparent une journée de protestation dans les capitales européennes pour mettre l’accent sur la terrible crise des médias : pressions politiques, déclin qualitatif et mauvaises conditions de travail sont des phénomènes présents partout en Europe.

[...]

“Les journalistes sont frustrés et en colère car ils ne peuvent pas faire leur travail correctement en raison d’ingérences politiques, de conditions de travail précaires et d’une commercialisation rampante qui mettent en pièces le cœur même du journalisme de qualité,”

[...]

Les syndicats et les associations de journalistes dans près de 40 pays européens prendront part à cette journée de protestation qui inclura des manifestations nationales et des actions à l’échelon européen portant sur l’effondrement de la confiance du public dans le travail des médias traditionnels.




Voir : http://www.acrimed.org/article2744.html


Après avoir présenté, le 4 octobre dernier, ses propositions pour renforcer l’indépendance de la presse française, l’intersyndicale des journalistes (SNJ, USJ-CFDT, SNJ-CGT, SJ-CFTC, SJ-FO) appelle la profession et les citoyens à se mobiliser pour la journée européenne de la liberté de la presse, « Debout pour le journalisme », le lundi 5 novembre. Organisée dans une trentaine de pays par la Fédération européenne des journalistes (FEJ), cette journée, en droite ligne avec le mouvement des syndicats de journalistes français, a pour objectif de faire prendre conscience aux citoyens européens que le journalisme et l’information sont en danger.

[...]

De fait, partout sur le vieux continent, les atteintes à la liberté de la presse, et donc au droit qu’ont les citoyens de bénéficier d’une information indépendante et pluraliste, se multiplient : pressions économiques et politiques, marchandisation de l’information, autocensure, précarité, non-respect du principe de protection des sources, etc.
Et la qualité de l’information en pâtit.

[...]

En France comme ailleurs, selon la FEJ, « nous voyons se rejoindre les démons de l’ingérence politique, de l’autocensure, de la concentration des médias et de la précarité dans la profession pour aboutir à un journalisme véritablement malade ».

[...]

Les syndicats et les associations de journalistes dans près de 40 pays européens prendront part à cette journée de protestation qui inclura des manifestations nationales et des actions à l’échelon européen portant sur l’effondrement de la confiance du public dans le travail des médias traditionnels.





Et surtout, voir : http://www.intersj.info/

Il n'y a pas de démocratie sans liberté de la presse

Les syndicats de journalistes, réunis pour la première fois depuis quinze ans, s'adressent à tous les français pour proposer une loi garantissant  l'indépendance des rédactions, à l'heure où les dérives déontologiques, les rachats de médias et les pressions sur le contenu de l'information se multiplient, remettant en cause le droit de chacun à une information honnête, indépendante et fiable.


Les syndicats avancent les propositions de modification législatives suivantes :

* CHAQUE TITRE (écrit, audiovisuel,multimédia) devra disposer d’une équipe rédactionnelle permanente et autonome composée de journalistes professionnels au sens de l’article L 761-2 du Code du travail, collaborant régulièrement au titre, qu'ils soient mensualisés ou rémunérés à la pige. L'intégration/mensualisation devra être proposée aux journalistes pigistes qui en expriment le souhait. Le recours à des journalistes en CDD ne sera autorisé que dans les cas prévus par la législation en vigueur.

* LA LOI FERA OBLIGATION à l’éditeur de remettre chaque année aux institutions représentatives du personnel, en même temps que ses comptes annuels, la composition de cette équipe rédactionnelle en y faisant apparaître le nombre de journalistes précaires et de correspondants locaux de presse. En cas de non-respect de tout ou partie de ces dispositions, les diverses aides publiques dont bénéficie l’entreprise de presse fautive seront suspendues.

* QUELLE QUE SOIT la forme juridique du titre, quelle que soit la forme juridique de l’équipe rédactionnelle, cette dernière sera obligatoirement consultée par la direction sur tout changement de politique éditoriale ou rédactionnelle.

* CETTE ÉQUIPE RÉDACTIONNELLE sera également obligatoirement consultée par l’employeur avant et lors de la nomination du responsable de la rédaction, quel que soit l’intitulé de sa fonction (directeur de l’information, directeur de la rédaction, rédacteur en chef…). Celui-ci devra présenter son projet éditorial à l’équipe rédactionnelle, qui pourra s’opposer à sa nomination ou à son projet.

* PAR LA SUITE, si la gravité de la situation l’exige, l’équipe rédactionnelle pourra prendre l’initiative d’un scrutin de défiance. La rédaction aura la faculté de saisir le comité d’entreprise. Celui-ci pourra agir dans le cadre d’un droit d’alerte aménagé et spécifique. Là encore, en cas de non-respect de tout ou partie de ces dispositions, les diverses aides publiques dont bénéficie l’entreprise de presse fautive seront suspendues jusqu’à ce que cesse ce manquement. Cette sanction sera publiée et diffusée par l’entreprise de presse.
En outre, sans prétendre apporter aujourd’hui de réponse au débat relatif au statut des entreprises de presse, nous rappelons qu’à tout le moins ces entreprises ont, du fait de leur activité, une responsabilité sociale particulière.

Il découle de celle-ci que ces entreprises doivent être soumises à des obligations accrues de transparence :

* ELLES DEVRONT PUBLIER et diffuser chaque année toutes les informations relatives à la composition de leur capital et de leurs organes dirigeants, l’identité et la part d’actions de chacun des actionnaires, personnes physiques ou morales. Elles devront porter ces informations à la connaissance du public.

* CETTE OBLIGATION DE PUBLICATION et de diffusion devra également s’appliquer dès qu’un changement est intervenu dans le statut, l’organigramme ou la composition du capital de la société éditrice et/ou propriétaire.

* LES NOMS DES PRINCIPAUX DIRIGEANTS et des principaux actionnaires (plus de 15 % du capital) devront également être mentionnés dans chaque numéro de la publication concernée.




Je soutiens sans réserve cette proposition de loi, et je vous invite chaudement à faire tourner l'information et à signer la pétition qui sera remise aux députés lundi 5 novembre avec la proposition de loi ci-dessus.





lundi 29 octobre 2007

Pic Pétrolier : "il y aura encore du pétrole dans 40 ans", mais le problème n'est pas là...



Il y a quelques semaines, Arte a consacré une soirée spéciale au réchauffement climatique, à la fin du pétrole et aux énergies alternatives. Il y a eu des choses intéressantes, j'y reviendrai dans un billet ultérieur. Ce qui m'intéresse ici, c'est plutôt ce qui n'a pas été dit. Arte a réussi le tour de force de passer un documentaire sur la fin du pétrole sans parler du Pic de Hubbert (Pic pétrolier, ou Peak Oil). C'est une sacrée performance !!

Le seul passage où le mot "pic" est prononcé est le suivant :

Le mot est mentionné une seule fois, sans aucune explication. On passe immédiatement à autre chose et on n'y reviendra plus par la suite.

Le reportage se termine par quelque chose comme : un beau jour, la dernière goutte de pétrole sortira du dernier pipeline, et là de sérieux problèmes se poseront. Cette manière de présenter les choses, couplée à l'idée selon laquelle "les réserves sont estimées à un niveau qui correspond à 40 ans production au rythme actuel", incite à tenir un raisonnement trompeur : il reste quelques décennies de production au rythme actuel, puis la production chutera brutalement.

Or ce raisonnement est faux. Oui, il restera du pétrole dans 40 ans. Il en restera même sans doute encore dans 100 ou dans 150 ans. La bonne question n'est pas "pour combien de temps reste-t-il du pétrole ?", ni "quand la dernière goutte sera-t-elle extraite ?". La bonne question c'est : "quelle est, et quelle sera l'évolution de la capacité de production mondiale de pétrole ?".










J'ai entendu parler de la notion de Pic de Hubbert, ou Pic Pétrolier pour la première fois dans le livre Pétrole Appocalypse (2005) d'Yves Cochet. Yves Cochet est docteur en mathématiques, homme politique français membre des Verts, député du Val d'Oise de 1997 à 2002, ministre de l'écologie du gouvernement Jospin en 2001-2002. Il est député de la 11ème circonscription de Paris depuis 2002.


L'extraction de pétrole ne stoppe pas brutalement du jour au lendemain. Comme l'a montré Marion King Hubbert en étudiant la production de pétrole brut aux Etats-Unis, la production suit une courbe en cloche : elle passe par un maximum puis décline inexorablement de manière irréversible. Ce dont il est question, ce n'est pas la fin du pétrole !! C'est la fin du pétrole bon marché.



La question est : quand le pic de production mondiale aura-t-il lieu ?
La quantité de découvertes de nouveaux gisements facilement exploitables est négligeable : il n'y a pas de miracle à attendre de ce coté là. La production stagne depuis 2 ans et parvient difficilement à suivre une demande qui continue de croître.

Pour l'Agence Internationale de l'Energie (IEA pour International Energy Agency), le pic aura lieu d'ici 5 ans.

La conférence de l'ASPO qui s'est tenue à Cork au début du mois, estime qu'il aura lieu d'ici 2010. Voir article : Le compte à rebours a commencé.

Plus alarmant encore, il y a tout juste une semaine, l'Energy Watch Group (un organisme allemand composé de scientifiques et de parlementaires, fondé par le député Hans-Josef Fell) a publié un rapport dans lequel ils estiment l'année du pic de production à ... 2006 ! (Voir article). S'ils disent vrai, nous sommes entrés dans la phase de déclin de la production mondiale, tandis que la demande continue de croître. L'envolée des prix du pétrole est inévitable, et elle n'en est qu'à ses débuts. (voir billet)







Nous sommes la civilisation du pétrole. Un simple coup d'oeil autour de vous devrait suffire à vous en convaincre : du clavier sur lequel je tape à la souris que vous avez entre les doigts, à peu près tout ce qui nous entoure est à base de pétrole. Voir : une liste des domaines d'application des produits dérivés du pétrole. Le secteur des transports est particulièrement critique, puisque tous les pans de l'économie en dépendent. Et que dire de l'agriculture ?


Selon Robert Hirsch (auteur du rapport sur le pic pétrolier pour le ministère de l'énergie des Etats-Unis en 2005), nous allons entrer en phase de récession économique : la "croissance" est condamnée.



Contrairement aux chocs pétroliers de 1973 et de 1979 qui étaient avant tout politiques, celui qui s'annonce est d'ordre géologique. Il est donc durable et irréversible.

Le contrecoup économique et social risque d'être d'autant plus fort qu'on a fait semblant, et qu'on continue à faire semblant de ne pas le voir venir, en prétendant que la hausse des cours du brut est liée à des tensions politiques régionales et que cette hausse est passagère. Une chose semble certaine pourtant : guerre ou pas guerre pour le contrôle de la production du pétrole en Iran ou ailleurs, nous sommes définitivement sortis de l'ère du pétrole à bas prix, et cette tendance ne peut aller qu'en s'aggravant.



jeudi 25 octobre 2007

Une croissance exponentielle infinie dans un système fini ?

Je me suis amusé à faire une feuille de calcul toute simple dans un tableur : je pars d'une valeur initiale (100 ou 1000), et sur chaque ligne je rajoute 2% de la valeur précédente. Le fichier Open-Office correspondant est disponible ici.

Je réitère l'opération quelques centaines de fois, et j'obtiens les courbes suivantes :








C'est une évidence, mais ça ne fait pas de mal de le voir sur une courbe : un taux de croissance, même faible (2%), entraîne une croissance exponentielle.
C'est une croissance infinie : peu importe la valeur initiale, au bout d'un temps suffisant, on peut dépasser n'importe quelle valeur choisie arbitrairement.





Ce n'est pas lié à un facteur d'échelle particulier : si on zoom sur la partie de la courbe rouge qui semble plate (entre 0 et 200), on obtient :



(cliquer sur l'image pour agrandir)







A tous nos amis journalistes, économistes et politiques, qui guettent fébrilement les signes du retour de la sainte croissance, comme jadis les paysans attendaient impatiemment la pluie ; un beau jour il faudra quand même poser la question : la croissance, jusqu'où ?


Quand Nicolas Sarkozy déclare "la croissance, j'irai la chercher" (voir article), j'ai bien envie de lui répondre : cherche bien partout, et surtout quand tu l'auras trouvée, restes-y !! :)


Et pour conclure, terminons par une citation de l'économiste Kenneth Ewart Boulding :

Toute personne croyant qu'une croissance exponentielle peut durer indéfiniment dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste.




lundi 15 octobre 2007

Iran : des bruits de bottes, et un triste goût de déjà vu


L'Iran est le 4ème producteur de pétrole du monde (2ème exportateur de l'OPEP). Il est également la 2ème réserve de pétrole brut du monde, avec 133 milliards de barils.
En terme de gaz naturel, les iraniens ne sont pas mal lotis non plus, puisqu'ils ont la deuxième plus grande réserve au monde, derrière la Russie. (source : wikipedia)


Voilà. J'ai dit l'essentiel. Je pourrais presque m'arrêter là. Mais on va continuer encore un peu.




Comme l'a dit Brzezinski (voir billet précédent), la politique américaine a ("involontairement" ?) eu pour effet d'attribuer à Ahmadinejad un degré d'influence que sa position ne justifie pas.






Depuis plusieurs mois (depuis grossomodo 2 ans en fait), on a en effet pu remarquer une escalade des menaces contre l'Iran, qui sont autant de violations patentes de la Charte des Nations Unies, comme le rappelle Noam Chomsky :






Une escalade des menaces qui s'est également accompagnée d'une campagne de désinformation particulièrement "dégueulasse" (pour reprendre un terme à la mode en ce moment).


Comme disait mon prof de droit citant Beaumarchais :

Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose


Calomnies, intox, et fausses vérités. Je n'en citerai que deux :
  • L'obligation en Iran de porter des signes religieux discriminatoires pour les non-musulmans : "les juifs devront coudre un emblème jaune sur leurs vêtements, les chrétiens un rouge et les zoroastriens un bleu". (Voir article)
  • Le très fameux : "Israël doit être rayé de la carte". (Voir article)




Aujourd'hui la situation semble extrêmement tendue.
Comme l'indique un article publié sur Radio-Canada qui reprend les infos du Canard enchaîné, la menace de guerre semble se faire de plus en plus précise. Le raid militaire israélien contre la Syrie du 6 septembre dernier pourrait être une répétition générale de l'offensive qui se prépare contre l'Iran.



Pourtant l'Iran s'est mis en conformité avec l'AEIA, et les autorités iraniennes ne semblent pas montrer l'attitude belliqueuse que les néo-conservateurs voudraient bien leur prêter. L'Iran a également fait visiter ses installations nucléaires aux pays non-alignés.


Rappelons également l'interview d'Ahmadinejad par CBS (par l'intermédiaire de Scott Pelley) le 20 septembre dernier, dans laquelle il rappelle que son pays n'a aucune velléïté de guerre :






Pour en revenir à l'essentiel (et donc au pétrole), rappelons également les propos d'Alan Greenspan (Président de la Banque Centrale des Etats-Unis d'août 1987 à janvier 2006), qui reconnaît que la dernière guerre d'Irak était avant tout liée au pétrole (voir article). C'est également ce que laisse entendre Henry Kissinger à propos de la potentielle future guerre d'Iran (voir article) :

An Iran that practices subversion and seeks regional hegemony -- which appears to be the current trend -- must be faced with lines it will not be permitted to cross. The industrial nations cannot accept radical forces dominating a region on which their economies depend, and the acquisition of nuclear weapons by Iran is incompatible with international security.



Voilà qui fait écho à ce que le même Henry Kissinger avait déjà déclaré auparavant :

Oil is much too important a commodity to be left in the hands of the Arabs.






Les points de comparaison avec la situation fin-2002/début-2003 (qui a précédé l'invasion de l'Irak) sont nombreux. Je vois toutefois deux différences majeures.


La première, c'est qu'une partie de l'opinion américaine n'est plus dupe, et n'est pas prête à se laisser rouler dans la farine une nouvelle fois de la même manière qu'il y a 5 ans.
Voir par exemple l'intervention du Sénateur Byrd.
Le déclenchement d'une nouvelle guerre contre l'Iran pourrait également donner un coup de boost aux mouvements citoyens aux Etats-Unis qui réclament le lancement d'une procédure de destitution à l'encontre du tandem Bush/Cheney.


Mais la deuxième différence majeure, qui nous concerne plus directement, c'est l'élection de Nicolas Sarkozy en France, et sa politique extérieure de ralliement inconditionnel aux néoconservateurs américains (voir billet précédent).
Dans cet article on prend cher, et malheureusement c'est mérité.

Aujourd'hui on est loin, très loin... on est à des années lumières du discours de Dominique de Villepin devant le Conseil de Sécurité de l'ONU le 14 février 2003.

Aujourd'hui, c'est Nicolas Sarkozy qui joue le rôle du petit nerveux de service avec son "je ne transigerai pas" (voir article), tandis que Vladimir Poutine adopte le ton mesuré qui était celui de la France il y a 5 ans (voir article).

Comment est-on tombé si bas ?





Edit (Décembre 2007)

Voir cet article sur le rapport des agences de renseignements :

Nous estimons qu’à l’automne 2003 Téhéran a arrêté son programme militaire nucléaire.



dimanche 14 octobre 2007

Nicolas Sarkozy et la politique étrangère de la "rupture"



Affirmée le 27 août, devant la conférence des ambassadeurs de France, la nouvelle ligne en matière de politique étrangère a de quoi atterrer



Extrait d'un article d'Ignacio Ramonet : edito du Monde Diplomatique n°643, Octobre 2007.


Affirmée le 27 août, devant la conférence des ambassadeurs de France, la nouvelle ligne en matière de politique étrangère a de quoi atterrer. En ce qui concerne le Proche et le Moyen-Orient, elle constitue une révolution copernicienne par rapport à la position internationale de Paris, telle que l’avait fixée le général de Gaulle, dès 1958, lors de la fondation de la Vè République.

Confirmant son alignement sur le président George W. Bush et sur les thèses les plus dures des néoconservateurs, M. Sarkozy reprend à son compte l’idée que le « premier défi, sans doute l’un des plus importants » auquel doit faire face la France est « une confrontation entre l’islam et l’Occident ». Indépendamment de l’absurdité qu’il y a à poser le problème en ces termes, pas un mot sur les torts de Washington ou sur l’effet de pourrissement provoqué par le non règlement du conflit israélo-palestinien.

Le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner a pour sa part pu déclarer que la guerre contre Téhéran était une option envisageable. C’est pour s’y préparer que le ministre de la Défense Hervé Morin a laissé entendre que la France pourrait reprendre toute sa place au sein de la structure militaire intégrée de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN).




mardi 9 octobre 2007

Guy Millière : Le futur selon George W. Bush (2005) - Apologie du néo-conservatisme



Il y a quelques mois, entre les deux tours de l'élection présidentielle, j'ai publié un article sur AgoraVox.
Dans cet article, je cite un extrait du livre Le futur selon George W. Bush (2005) de Guy Millière, un écrivain français favorable aux néo-conservateurs).


Je m'auto-cite (cette fois-ci c'est sûr, j'ai atteint le comble du narcissisme) :

Mais c’est bien en terme de politique internationale que sa contribution pourrait être la plus désastreuse. C’est sans doute Guy Millière, un écrivain français favorable aux néoconservateurs américains qui nous éclaire le mieux sur les enjeux cachés de cette élection, dans son ouvrage : Le futur selon George W. Bush

Je cite :

"Les Européens devront comprendre ce qui est très précisément en jeu dans la révolution néoconservatrice américaine, d’une manière ou d’une autre, ou ils disparaîtront, et l’Europe avec eux. La disparition de l’Europe pourra être brutale ou douce, rapide ou lente. Elle pourra être une avancée progressive vers la vieillesse et la décrépitude qu’annoncent les courbes démographique actuelles, une progression vers l’islamisation qui ne sera islamisation modérée que si, et seulement si, la doctrine Bush concernant l’islam est couronnée de succès."

"Le néoconservatisme pourrait-il s’implanter en Europe et, ainsi, sauver l’Europe ?"

"Les Européens ne seront sauvés, s’ils doivent l’être, que par un sursaut immense", m’a dit David Horowitz à Malibu."


Le néoconservatisme. La guerre "préventive". "L’inévitable conflit des civilisations". La légalisation de la torture. Une idéologie qui doit s’implanter en Europe, faute de quoi nous ne serons pas "sauvés". Une idéologie sans laquelle nous "disparaîtrons", d’une manière ou d’une autre.

La France, qui est un grand pays, pourrait bien jouer un rôle majeur dans ce processus de transformation. Au-delà des politicailleries franco-françaises, voilà précisément ce qui constitue l’un des enjeux majeurs de cette élection





Aujourd'hui je vous propose d'aller un peu plus loin, en regardant ce livre de plus près.




La guerre qui nous a été déclarée


Aujourd'hui, la doctrine Bush est plus caricaturée, plus honnie encore que la doctrine Reagan. Cela parce que Bush, disciple de Reagan, ose lui aussi nommer l'ennemi, parce que Bush, disciple de Reagan, discerne que le totalitarisme, comme le mal, n'a pas disparu et continue à hanter la planète. Sous une forme plus dangereuse sans doute qu'au temps de l'Union Soviétique.

[...]

Mais ne jamais perdre de vue que la guerre qui nous a été déclarée est une guerre contre nos valeurs et ce qu'elles offrent au monde.

"La guerre qui nous a été déclarée". Bien évidemment, il se réfère au 11 septembre.




L'ennemi de l'intérieur

A plusieurs reprises, il insiste sur la notion d' "ennemi de l'intérieur"

"Les gens issus de la contre-culture aiment celui qui veut les tuer non parce qu'ils espèrent sa clémence, mais parce qu'ils se détestent eux-mêmes en tant qu'Américains. Le pire ennemi est l'ennemi de l'intérieur. Il faut lutter contre lui aussi, et il ne faut pas oublier le front intérieur" dit David Horowitz.

[...]

Il faudra comprendre aussi que les ennemis de la mondialisation accélérée en cours ne sont pas seulement dans les pays déconnectés mais aussi dans les pays les plus impliqués dans la mondialisation. L'altermondialisme est un compagnon de combat de la déconnection, et de tout ce que la déconnection charrie, de fait, en terme de terrorisme et de totalitarisme.


Altermondialisme, terrorisme et totalitarisme : même combat.

Car les ennemis sont partout. Comme le disait George W. Bush : "you are either with us, or you're with the terrorists".

De là à dire qu'il faut appliquer aux "ennemis de l'intérieur" le même traitement de choc que celui qu'on réserve aux "terroristes", il n'y a qu'un pas. Un pas d'autant plus facile à franchir qu'on cherche à insinuer et à entretenir la confusion entre les deux.




Business is Business : c'est bon pour le marché

Dès la chute de Kaboul, nombre d'hommes se sont fait raser la barbe puisqu'il n'était plus obligatoire de la porter. Nombre de femmes ont enlevé la burqa, puisqu'elle non plus n'était plus obligatoire (...) Des hommes par milliers portent toujours la barbe, des femmes par milliers portent toujours la burqa, il y a toujours des mariages forcés et des crimes d'honneur, mais des élections ont eu lieu où les femmes ont voté avec le même droit que les hommes. Dans les campagnes, on cultive à nouveau le pavot, diront ceux qui entendent trouver quelque chose à redire : la culture du pavot est effectivement tres lucrative, et les agriculteurs afghans répondent aux incitations économiques issues du marché. Une révolution est néanmoins en marche en Afghanistan...


C'est sans équivoque : peu importe que l'Afghanistan soit redevenu le premier producteur d'héroïne (avec 92% de la production mondiale d'opium) depuis la chute des fanatiques de la charia. Ces derniers sont désormais remplacés par les fanatiques du marché, pour qui le commerce de la drogue ne constitue pas un problème, puisqu'il est très rentable.
Et par ailleurs, qui est suffisamment naïf pour croire que les centaines de milliards de $ annuels qui proviennent du blanchiment de l'argent de la drogue profitent principalement à des abrutis de chefaillons de guerre qui sillonnent les montagnes afghanes dans leurs cortèges de 4x4 blancs flambants neufs ?



Et l'Europe dans tout ça ?

A plusieurs reprises, il ressort le couplet affligeant sur "la vieille Europe". Ce n'était pas du tout un dérapage de Donald Rumsfeld à l'époque : "la vieille Europe", c'est une composante récurrente de la vision néo-conservatrice du monde. Dans cette partie du bouquin, l'Allemagne et la France sont stigmatisées parce qu'elles ne font pas preuve d'unité dans le front commun qui doit se défendre contre l'agresseur-terroriste-qui-veut-tous-nous-tuer-parce-qu'il-déteste-notre-liberté.


L'ONU ne sert à rien.

[...]

Les Européens devront comprendre ce qui est très précisement en jeu dans la révolution néo-conservatrice américaine, d'une manière ou d'une autre, ou ils disparaîtront, et l'Europe avec eux. La disparition de l'Europe pourra être brutale ou douce, rapide ou lente. Elle pourra être une avancée progressive vers la vieillesse et la décrépitude qu'annoncent les courbes démographique actuelles, une progression vers l'islamisation qui ne sera islamisation modérée que si, et seulement si la doctrine Bush concernant l'islam est couronnée de succès.

[...]

Le néo-conservatisme pourrait-il s'implanter en Europe et, ainsi, sauver l'Europe ?
[...]

"Les Européens ne seront sauvés, s'ils doivent l'être, que par un sursaut immense", m'a dit David Horowitz à Malibu.



Ah, nous voila rassurés. D'une manière ou d'une autre, le néo-conservatisme va s'implanter en Europe, pour nous sauver de la décrépitude et de la gangrène de l'islamisation.

Comment un pays soit-disant aussi hostile à Bush et à sa clique d'escrocs a-t-il pu porter au pouvoir un missionnaire du néo-conservatisme tel que Nicolas Sarkozy, sans même s'en rendre compte ?
Il faut vraiment sous-estimer l'influence de la France en Europe et dans le Monde pour ne pas se rendre compte qu'elle occupe une place de choix en terme de potentiel de "néo-conserva-tisation" de l'Europe. Et il faut vraiment manquer de recul pour ne pas se rendre compte qu'en élisant Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, c'est exactement dans cette direction là que nous nous sommes engagés.



Le retournement des valeurs

Mais l'aspect le plus frappant de ce livre, c'est sans doute l'imposture intellectuelle qu'il adopte d'un bout à l'autre du bouquin. Les néo-conservateurs sont selon lui "les vrais américains", qui défendent "les vraies valeurs américaines". Il parle de "liberté" et délivre un discours qui se réclame des "pères fondateurs de la Nation Américaine".


Evidemment il passe sous silence l'une des citations les plus importantes de Benjamin Franklin, l'un des pères fondateurs des Etats-Unis, qui disait :

Ceux qui sont prêts à sacrifier un peu de liberté en échange d'un peu de sécurité ne méritent ni l'une ni l'autre, et finiront par perdre les deux.



Il passe sous silence le fait que la politique intérieure de Bush, à travers un ensemble de lois fascistes (Patriot Act, Anti-Terrorism Bill, Military Commission Act, etc...), a été de systématiquement détruire et vider de son contenu la Constitution Américaine, qu'il avait prêté serment de défendre lors de son investiture.



Retour au bouquin, page 142 :

La souveraineté de la liberté ou la mort, notais-je plus haut. Et plutôt la mort que la perte de la liberté. La Civilisation ou la mort. Dans les semaines qui ont suivi le 11 septembre 2001, et alors que les drapeaux américains étaient partout, aux fenêtres et sur les voitures, sur les vêtements et dans les coeurs, les bobos se sont émus que leurs enfants parfois aient voulu eux-même arborer le drapeau.


"Le 11 septembre 2001" encore et toujours. La clef de voûte, la pierre d'angle sur laquelle repose toute la justification de la doctrine néo-conservatrice. Je vous ai déjà pas mal bassinés avec ces histoires de 11 septembre. Et j'y reviendrai, pour votre plus grand plaisir.

Dans le bouquin il qualifie de "bobos" les Américains qui se sont interrogés sur le bien fondé de la vague d'orgie patriotique qui a déferlé sur les Etats-Unis après le 11 septembre.




Tiens d'ailleurs en passant, rien à voir avec ce bouquin, mais le coup du drapeau me rappelle une interview de Scott Ritters :

Waving a flag on the street corner does not make you patriotic or support the troops. I could train a monkey to do that job. You’re only a patriot if you’ve read the Constitution, and you live the Constitution, and I would say that Cindy Sheehan and those who support her, and those who speak out against this war are far more patriotic than any gold star mother or anybody else who stands on the street corner and encourages a war that’s based on a lie and can only result in the death and dismemberment of more American troops.




Retour au bouquin de Millière, page 147 :

Nous ne sommes rien, strictement rien, si nous oublions les textes fondateurs, si nous oublions les pionniers.


Un tel retournement des valeurs, une telle imposture, c'est à la limite de l'injure.



Un peu plus loin, page 186, il donne un avis éclairant sur la fonction des think-tanks :

Des centres de recherche, les think-tanks, viennent contrebalancer le gauchisme politiquement correct des universités bobos. Ils produisent des recherches, des livres, des essais argumentés et novateurs là où leurs adversaires se contentent de ressasser les mêmes idées faibles ou inexistantes en tant qu'idées.





lundi 8 octobre 2007

Qu'est ce qui fait que les choses changent ?

Avant-dernier extrait de Manufacturing Consent (hé oui, déjà).

Dans cet extrait, Chomsky aborde deux points intéressants : l'implication citoyenne et la question des médias alternatifs.



Comme l'a dit Georges Bernanos :

On n'attend pas l'avenir comme on attend un train. On le fait.







Chomsky souligne un point intéressant : en général, on insiste sur le rôle qu'ont joué les leaders, les héros.
Mais ce qui rend possible les changements et les progrès, c'est avant tout la mobilisation populaire. Les choses bougent dans le bon sens parce que suffisamment de gens décident de se mobiliser. En s'engageant dans des mouvements politiques, dans des associations ou dans diverses organisations.

Le pire, je crois, serait de tomber dans une sorte de pseudo j'm'en foutisme désabusé ("boah, ça ne sert à rien, plus rien ne m'étonne, moi je suis revenu de tout"). Ou encore se cacher derrière un espèce de cynisme de façade.

Au contraire, je pense qu'il faut se forcer à essayer de comprendre, et rester attentif. Essayer d'encourager et de développer les initiatives positives (à chacun de nous de déterminer ce qu'il estime être "une initiative positive" en fonction de ses propres critères).



La deuxième partie de cet extrait porte sur les médias alternatifs, qui sont abordés très brièvement.
La question des médias me semble essentielle. Notre capacité d'analyse dépend très largement de notre capacité à avoir une vision la plus objective possible. Le rôle des médias est déterminant.

Comme le dit Serge Dassault (Le Figaro) de manière tout à fait claire, un journal a pour fonction de servir les intérêts de celui qui le possède (source : Acrimed ou Le Monde Diplomatique) :

(Mon groupe doit) "posséder un journal ou un hebdomadaire pour y exprimer son opinion" et "peut-être aussi répondre à quelques journalistes qui ont écrit de façon pas très agréable"



Les médias alternatifs, collaboratifs et gratuits sont des compléments d'information précieux. Ce sont des initiatives intéressantes, qu'il faut encourager, soutenir, et financer (You love it, you buy it. Surtout si c'est gratuit).


jeudi 4 octobre 2007

Zbigniew Brzezinski : sur la possibilité de nouveaux attentats à imputer à l'Iran

Zbigniew Brzezinski est une pointure. Un CV impressionnant.


1960 : Conseiller de Campagne de J. F. Kennedy
1966-68 : Membre du Conseil de Planification Politique du Ministère des Affaires Etrangères du Président Lyndon Johnson.
1968 : Président du Groupe de Travail sur la Politique Etrangère de Hubert Humphrey (Vice-Président sous Lyndon Johnson, et candidat du Parti Démocrate aux élections présidentielles de 1968)
1973 : Co-Fondateur (avec David Rockefeller) de la Commission Trilatérale
1973-76 : Président de la Commission Trilatérale
1977-81 : Conseiller à la Sécurité Nationale sous la Présidence de Jimmy Carter. C'est durant cette période, à partir du 03 juillet 1979, que l'administration Américaine commencera à armer les "Mujahadeen" Afghans (des groupes islamistes armés) opposés au pouvoir de Kaboul pro-Soviétique. Les Russes réagissent 6 mois plus tard en envahissant l'Afghanistan le 24 Décembre 1979, et tombent dans le piège de ce qui sera leur "Vietnam" (Source : Brzezinski lui-même).
1985 : Membre de la Commission Présidentielle sur les Armes Chimiques du Président R. Reagan
1987-88 : Membre du Conseil de la Sécurité Nationale (National Security Council), et de la Commission de Stratégie à Long Terme du Ministère de la Défense
1987-89 : Membre du Conseil sur les Renseignement Extérieurs (Foreign Intelligence Advisory Board)
1988 : Co-Président du Groupe de Travail chargé du Conseil à la Sécurité Nationale (National Security Advisory Task Force) du Président H. W. Bush.

Il est actuellement Professeur de Politique Extérieure à l'Ecole d'Etudes Internationales Avancées de l'Université John Hopkins à Washington.

Il a également écrit de nombreux ouvrages, dont The Grand Chessboard: American Primacy and Its Geostrategic Imperatives. Un livre très instructif, qui mériterait de s'appeler La Géopolitique pour les Nuls (voir la collection "pour les Nuls"). Brzezinski y dévoile sa vision impérialiste clairement assumée. Je reviendrai sur ce livre dans un prochain billet.


Zbigniew Brzezinski est très critique vis à vis de la politique menée par l'administration W. Bush, car pour lui la suprématie de la super-puissance américaine ne pourra pas se maintenir si les Etats-Unis sont isolés sur la scène internationale. Ce point de vue est développé plus en détails dans The Grand Chessboard (1997) et dans The Choice: Global Domination or Global Leadership (2004).



Ce qui m'intéresse ici, c'est l'intervention de Zbigniew Brzezinski devant la Commission des Affaires Etrangères du Sénat, le 1er Février 2007.

Entre-temps, Nicolas Sarkozy a été élu. Suite au coup de chaud (prévisible) de Sarkozy et de Kouchner à propos de l'Iran, cette vidéo est ressortie des tiroirs et a pas mal tourné ces dernières semaines.









Comme le précise un article du Réseau Voltaire, aucun grand média n'a jugé utile de rapporter les propos de Brzezinski, à l'exception du Financial Times et du Washington Note (voir l'article).


Extrait :

If the United States continues to be bogged down in a protracted bloody involvement in Iraq, the final destination on this downhill track is likely to be a head-on conflict with Iran and with much of the world of Islam at large. A plausible scenario for a military collision with Iran involves Iraqi failure to meet the benchmarks; followed by accusations of Iranian responsibility for the failure; then by some provocation in Iraq or a terrorist act in the U.S. blamed on Iran; culminating in a "defensive" U.S. military action against Iran that plunges a lonely America into a spreading and deepening quagmire eventually ranging across Iraq, Iran, Afghanistan, and Pakistan.


Zbigniew Brzezinski mentionne explicitement la possibilité que l'Iran soit rendu responsable du "fiasco" irakien. Il évoque même la possibilité d'un attentat terroriste sur le territoire américain, dont on ferait porter le chapeau à l'Iran, en vue de justifier une action militaire "défensive" contre ce pays.